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« La répartition de la valeur dans la filière laitière est de plus en plus inégalitaire »

Lorsque la grande distribution a doublé son bénéfice net entre 2018 et 2021, selon la Fondation pour la Nature et l'Homme, les agriculteurs gagnent moins d'un Smic horaire.

Une étude de la Fondation pour la Nature et l’Homme avance que la répartition de la valeur dans la filière laitière se fait toujours plus au détriment des éleveurs. Un petit nombre d’industries concentrerait l’immense majorité du bénéfice.

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Comment s’est distribuée la valeur entre éleveurs, entreprises agroalimentaires et distributeurs ces vingt dernières années dans la filière laitière ? La Fondation pour la Nature et l’Homme (FNH) présente les conclusions d’une étude inédite lors d’une conférence de presse le 27 novembre 2023 à Paris. « Les résultats sont effarants », juge Gildas Bonnel, président de la FNH.

Après un travail de plusieurs mois basé sur les chiffres de l’Insee et de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires (OFPM), la FNH estime que sur la période de 2018 à 2021, « les bénéfices de la grande distribution ont été multipliés par deux, passant de 74 à 145 millions d’euros », que « les bénéfices de l’industrie agroalimentaire ont été multipliés par 1,5, passant de 449 à 697 millions d’euros », mais que dans le même temps, « pour 58 heures de travail, les éleveurs gagnent 26 625 € par an, soit moins d’un Smic par heure ».

Perte de marge pour les éleveurs

Pour mieux comprendre cet écart, Thomas Uthayakumar, directeur de plaidoyer à la FNH, présente les résultats de l’étude des marges effectuées par chaque acteur sur un « produit phare » du panier des ménages : un litre de lait demi-écrémé.

« Pendant que le prix de la brique de lait augmentait de 51 % entre 2001 et 2021, les éleveurs perdaient 4 % de marge brute », expose Thomas Uthayakumar, directeur de plaidoyer à la Fondation pour la Nature et l'Homme. (©  Fondation pour la Nature et l'Homme)

« En 2022, comparativement à 2001, alors que le prix de la brique augmentait de 51 %, les éleveurs ont perdu 4 % de marge brute sur la vente d’un litre de lait demi-écrémé, tandis que la grande distribution enregistrait une hausse de 188 % et l’industrie agroalimentaire de 64 %. » La FNH précise que sur vingt ans, cette répartition « de plus en plus inéquitable de la valeur » se vérifie sur l’ensemble des produits laitiers.

Asymétrie de pouvoir

La Fondation s’est également intéressée à la répartition des parts de marché sur tous les produits alimentaires pour illustrer ses propos. « Les cinq premiers groupes de la grande distribution possèdent 82 % de parts de marché en moyenne sur tous les produits alimentaires en 2023, contre 28 % en 1980 », explique Elyne Étienne, responsable de l'élevage durable à la FNH.

Comment les industries agroalimentaires font-elles pour augmenter leurs marges d’une année sur  l’autre ? Pour la Fondation, « l’augmentation de la marge passe essentiellement par la création de nouvelles marques, c’est-à-dire par la création de valeur immatérielle via le marketing et l’emballage ».

Mais alors, quelle part du prix payé par le consommateur part dans la publicité et le marketing ? « Si on ne connaît pas le pourcentage, on peut avoir une idée en faisant le parallèle avec le chocolat, dont la part affectée au marketing et à la publicité serait de 10 à 15 % du prix total », avance Christophe Alliot, directeur des études au Basic (Bureau d’analyse sociétal d’intérêt collectif).

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